lundi 12 décembre 2011

Aide et Reclassement et les habiletés sociales*

L’intérêt de notre association pour les habiletés sociales n’est pas nouveau. On en trouve déjà des traces dans la mise en place dès les années 80 de séances de vie pratique mais c’est à partir de 1999 qu’il a donné lieu à l'organisation d’un programme précis confié à une animatrice spécialisé.

Il s'agissait, à l’époque de concrétiser un des objectifs des formations pré qualifiantes de notre section O.I.S.P. (Organisme d'Insertion Socio Professionnelle). En effet, nos intervenants constataient que, plus qu'une remise à niveau en mathématique et en français, ces formations apportaient aux participants une réelle redynamisation. Ainsi les modules organisés par Aide et Reclassement se composaient hebdomadairement de cours de français, de cours de mathématiques, d'un atelier collectif d'habiletés sociales et d'un entretien de guidance psychosociale individuel pour aller plus loin dans la mise en pratique des acquis de façon très concrète en vue de la préparation d'un plan de reclassement.

La fin de nos activités en tant qu' O.I.S.P., en 2008 et la cession de plusieurs de nos filières de formation a modifié la donne : les ateliers d'habiletés sociales étaient, provisoirement, remplacés par des cours de vie sociale donnés par des enseignants, couvrant diverses matières qu'on pourrait associer à la rubrique "étude du milieu" dans les études primaires.

Plus récemment, grâce à l'intégration de cet axe de travail dans le projet soutenu par le Fonds Social Européen, Aide et Reclassement a remis en route des ateliers d'habiletés sociales sur une base ponctuelle aux prisons d'Andenne et de Huy. Ces modules sont désormais autonomes. Leur finalité vise toujours une insertion des personnes dans la société par le biais d'objectifs de remise en projet. (Le terme "empowerment" reste assez hermétique pour les acteurs de terrain et les bénéficiaires.) Les animations suivent un schéma de base et s'adaptent aux besoins des groupes. Elles comprennent un travail sur l'autonomie via un bilan personnel, la recherche d'un ou des objectif(s) à se fixer, les étapes et les outils pour y travailler. Elles envisagent aussi les différents aspects de l'autonomie : elles abordent en outre l'auto-réalisation, l'efficacité économique et la responsabilité en société.

Face à notre public, nous essayons de traiter ces notions à travers des exemples les plus concrets possible et avec un maximum de participation. La chose n'est pas aisée car nous travaillons à contrario des effets que le modèle actuel d'incarcération produit. Ces démarches poussent les personnes à s'ouvrir, à faire confiance, à se responsabiliser alors que le milieu pénitentiaire déresponsabilise, brime et pousse les personnes à se protéger et souvent à se replier sur soi. On est encore loin des prisons pavillonnaires avec une reprise progressive de responsabilités.

Pour en revenir au concret, les modules d'habiletés sociales tentent de faire prendre conscience à chacun qu'il peut être acteur d'un projet qui lui convient soit ici et maintenant ou à l'extérieur et en prévision de sa vie post carcérale. Dans un groupe, chacun participera ou pas, en fonction de son humeur, de son vécu, en fonction aussi des conditions d'accès au groupe.


Dans une telle matière et dans un tel contexte, la mesure de l'impact n'est pas chose aisée. Les ateliers se terminent par une autoévaluation individuelle de chaque participant. L'animatrice réalise sa propre évaluation. Elle effectue ensuite une synthèse des évaluations individuelles des participants qu'elle leur soumet pour approbation. Lors d'une séance commune, ce document est lu, discuté, amendé et approuvé. Le groupe argumente alors et décide si ce document est transmis ou non à la direction de l'établissement pénitentiaire. L'évaluation peut ensuite faire l'objet d'une discussion avec la direction de la prison. On se retrouve dans un cas concret où la démarche est presque plus importante que le contenu du document.

Vu les nombreux paramètres en action, pourra-t-on jamais quantifier le résultat de ce travail? D'autant que le facteur temps peut aussi jouer, de même qu'un acquis utilisé en milieu carcéral ne le sera plus forcément à l'extérieur et vice-versa. A ce propos, il est important de mentionner l'importance que nous constatons dans notre quotidien d'atteindre une continuité dans le travail effectué pendant l'incarcération entre les services actifs et ce qui pourra se mettre en place à la sortie de prison pour la personne libérée.

J'aime l'image que je donne aux participants d'une cabane à outils au fond du jardin : pour certains, les outils seront utilisés quotidiennement et entretenus, pour d'autres, certains outils rouilleront alors que d'autres rempliront leur office et enfin, il se peut que la cabane reste fermée pour une frange de la population concernée bien que je suis persuadée que le seul fait d'avoir pris connaissance que ces outils existent et sont à leur disposition puisse déjà être utile à ces mêmes personnes.

Extrait d'une communication dans le cadre de l'atelier "Empowerment: développement des ressources personnelles des détenus", dans le cadre du Colloque "A la recherche du Sens" qui s'est tenu à Huy, le 29 novembre.

Catherine Vaisière
Responsable de projet.